Le dérèglement du climat, actuel et à venir, occupe aujourd’hui une place importante dans la société. La responsabilité avérée des activités anthropiques et la situation d’urgence climatique amène à un besoin de changement global. Les habitudes, exigences et objectifs de chacune de nos activités doivent changer, à la fois sur les plans professionnels et personnels. Le secteur de la construction comporte de multiples acteurs. Chacun dispose de leviers d’optimisations et de domaines d’expertises, ce qui donne à l’ensemble un fort potentiel d’amélioration du domaine. Cette transition questionne et anime depuis longtemps les échanges au sein de notre agence. L’accueil d’un projet de fin d’études d’ingénierie au sein de l’agence rhb architectes a été l’occasion de travailler sur ce sujet. Ce PFE a été développé par Colin Perrier, aujourd’hui diplômé architecte et ingénieur en génie thermique, énergétique et environnemental de l’INSA. A la suite d’un inventaire des solutions possibles, quatre variantes d’un projet de l’agence ont été conçues, modélisées et simulées pour extraire différentes données, inspirées des critères d’évaluation de la RE2020 : impact environnemental, déperditions thermiques, confort d’été et coût de construction.
L’impact carbone est étudié à l’aide d’une Analyse de Cycle de Vie suivant les conditions normatives françaises actuelles. L’impact est calculé de manière totale, puis décomposé par élément pour étudier en profondeur les variation d’impact. La partie grisée représente l’impact des lots variants, celle en blanc une estimation de l’impact du reste du bâtiment. La réduction de l’impact est attendue sur le plan qualitatif mais intéressante sur le quantitatif, en démontrant une importante diminution d’impact entre les deux variantes en structure béton exclusif. L’analyse par éléments illustre l’impact important des matériaux minéraux, ainsi que l’impact de la complexification des éléments de façade et de revêtement pour les dernières variantes.
CONFORT D’ÉTÉ
L’analyse du confort d’été se fait par l’étude de l’évolution des températures intérieures d’un local sur l’année pour trois variantes. Les modèles sont testés sous climat actuel et sous climat futur (représenté par les données de la canicule 2003). Les performances thermiques et protections solaires étant déjà très hautes, les apports de chaleur des occupants deviennent alors les sources de chaleur les plus difficiles à évacuer. Une importante masse inertielle, dans la structure notamment, est une solution efficace pour palier ce problème. Sa diminution dans les variantes possédant une structure bois, plus légère et moins massive, les rend alors beaucoup plus sensibles dans la période estivale.
CORRÉLATION COÛT / CARBONE / BIOSOURCÉ
A première observation, on observe plusieurs phénomènes révélateurs.
Le premier est un certain alignement des données Coût et Impact carbone. Cette relation de proportionnalité annonce un lien fort entre ces deux enjeux majeurs de la construction contemporaine. Ce lien nous permet de dresser la tendance de proportionnalité suivante : -1 kgeq CO2 = + 5,5 €.
Le second phénomène est l’évolution des données selon une courbe de tendance convexe. Cette évolution met en lumière le fait que les premiers efforts sont efficients, et encouragent donc à engager les recherches de diminution d’impact sur tous les projets plutôt que de concentrer les efforts sur certains prototypes.
Enfin, la réduction de la masse et l’augmentation de la part de matériaux biosourcés aident à réduire l’impact carbone d’un bâtiment, bien que ces derniers souffrent aujourd’hui de leur coût plus important
CORRÉLATION MASSE CONSTRUITE – SURCHAUFFE ESTIVALE
Mettant en relation masse construite et surchauffe estivale sous les deux climats. Les deux variantes les plus légères se révèlent alors plus sensibles à la surchauffe à cause de la réduction drastique de leur masse construite, notamment dans la structure. Cette augmentation met en lumière la vulnérabilité grandissante des structure légères avec un réchauffement climatique global, augmentant ainsi le besoin de vigilance sur cette question pour les constructions, rénovations et réhabilitations à venir.
Cette étude nous permet de tirer plusieurs enseignements. Pour commencer, il est préférable de construire un bâtiment à l’enveloppe performante et résistante, notamment au regard de plusieurs études portant sur l’appauvrissement des ressources, la responsabilité du carbone dans le dérèglement climatique et les risques accru des phénomènes climatiques extrêmes. Aussi, elle démontre que construire plus performant coûte plus cher et émet plus de carbone à la production. Or le choix de construire plus performant permet de réduire au long terme les coûts d’exploitation et les dépenses énergétiques du bâtiment. C’est précisément là que se joue la recherche d’équilibre. En ce sens, l’étude montre qu’il est possible de réduire l’empreinte carbone tout en réalisant des économies sur le coût de l’énergie. Notons que l’appauvrissement des ressources rendent instables l’économie et les prix des énergies fossiles.
Dans les années à venir, la question de la surchauffe sera centrale dans la conception des bâtiments. Pour éviter cela, une connaissance accrue de l’occupation d’un projet futur est nécessaire pour une optimisation du confort d’été de ce dernier. Dans le cas général, les systèmes passifs de climatisation (puits canadien) ou de protections (débords de toiture) représentent d’excellentes solutions peu consommatrices de matière et d’énergie pour amortir efficacement le risque de surchauffe. En cas de fortes affluences en période estivale, et considérant l’évolution du climat, la présence d’une masse construite suffisante et d’un dispositif de surventilation nocturne efficace aide à diminuer ces surchauffes.
Sur le plan général, les performances médianes du système constructif 3 – MIXTE BOIS BÉTON ont permis de mettre en lumière les qualités de l’hybridation. La solution à ces contraintes multiples ne repose pas sur un seul matériau mais sur une architecture du bon sens, non dogmatique. Appliquer pour chaque élément le matériau optimal sur les différents plans présentés dans cette étude permettrait d’améliorer l’ensemble des qualités d’un projet, en termes d’ambiance, de coût, de performance et d’impact environnemental.
ALLER PLUS LOIN DANS LA TRANSITION
Au-delà du cadre de l’étude, il devient important de modifier la démarche d’appréhension et de développement de projets architecturaux. Passées à travers le spectre de l’impact environnemental, plusieurs stratégies particulièrement bénéfiques se dégagent.
Construire moins carboné passe en premier lieu par construire moins. Donner une priorité importante à la réhabilitation doit être le premier réflexe. Cet aspect prend davantage de sens avec le vieillissement du parc bâti des cinquante dernières années à dominante de béton, matériau durable et difficilement recyclable. Optimiser les surfaces et les volumes construits peut permettre de réduire l’impact environnemental. Garantir une occupation maximale des locaux en favorisant la mutualisation de programmes permet d’utiliser un bâtiment à son plus haut potentiel.
La recherche du recours au réemploi doit être systématique. Le geste doit aller dans les deux sens : détecter et valoriser des gisements de réemploi en fin de vie, rechercher des éléments réemployés à installer dans un projet en construction.
Pour finir, dans le cas d’une construction neuve, il est impératif d’intégrer la pensée de la durabilité et de l’évolutivité d’un projet. Une recherche de pérennité des matériaux permettra de limiter les rénovations nécessaires et de prolonger la durée de vie du bâtiment. Une conception réduisant les contraintes d’agencement intérieur permettra d’aider l’évolution vers ses usages futurs, et contribuera également au prolongement de sa durée de vie.